La grande maison était silencieuse, hantée par la présence vigilante de son unique et éternel gardien. Dans le lit défait, Yzalys dormait, un léger sourire aux lèvres. Arakel contempla un moment le corps offert qui l’attirait comme un aimant, puis se glissa hors des draps de sobi. Les souvenirs de la veille étaient trop vivaces pour qu’il se risque à prolonger le contact.
Silencieux comme un chat, il quitta la chambre et s’installa sur le balcon du boudoir voisin, laissant le soleil caresser son torse nu.
Devant lui, son journal de bord attendait.
Nouvelle séance d’hypnose.
Yzalys a utilisé un sortilège d’entravement, mais cette méthode n’est pas suffisante. Je m’en suis libéré assez aisément. La décharge etherée est par contre efficace pour contrer au moins momentanément l’effet de la soif.
Nous avons travaillé sur Soleil Noir. La simple évocation de ce nom m’a rappelé l’emblème qui fut le mien autrefois.
Soleil noir, ma première mission en tant qu’agent d’intervention de Sanctum. Une mission d’infiltration en Asmodea, durant laquelle j’ai recruté mes premiers hommes, ceux qui ont survécu et se sont montrés capables et solides. Je n’ai donné que les grandes lignes de ma vision à Yzalys, et elle ne m’a pas demandé de détails, mais je me souviens de tout.
Comment nous avons capturé trois sentinelles. Comment je les ai torturés l’un après l’autre, jusqu’à ce que le premier meure et que les deux autres craquent. Les asmodiens sont plus endurants et plus résistants mentalement que la plupart des elyos, mais le spectacle de ce corps desséché vivant était plus qu’ils n’en pouvaient supporter.
Et ensuite l’infiltration du fortin, l’exécution de tous ses habitants, serviteurs et enfants compris. Il ne devait rester aucune trace, aucun témoin. Je leur ai juste laissé en signature l’emblème du Soleil Noir, tracé au sang sur un mur, une tactique que nous allions répéter bien des fois au cours des années.
Certains des hommes ont rechigné. J’en ai perdu quelques uns sur place lors de l’assaut. J’en ai abattu un moi-même pour rebellion.
Yzalys n’a pas peur de moi, et pourtant elle devrait. J’étais un tueur, et je le suis encore, même si mes souvenirs me retiennent.
Lysandre. Ces souvenirs-là sont troubles et bien plus dérangeants. Ma conscience les rejette, et à chaque fois cela réveille la soif. La violence, la colère, le désir de tuer.
J’étais bien en mission auprès d’elle. Je devais la surveiller, parce que mes supérieurs n’avaient pas confiance en sa loyauté. Instinctivement je sais qu’ils avaient raison. Lysandre n’aimait pas la guerre, elle ne voulait pas que son œuvre serve à cela.
Je l’ai surveillée, en même temps que le cercle de notables qu’elle rassemblait et nous avons fini par nous rapprocher assez pour devenir amants. Une relation hors normes, faite d’escapades sous les cascades et sur les plages et de soirées mondaines. Elle savait pour mon pouvoir, elle acceptait les contraintes que cela impliquait, et je m’en servais pour lui cacher la vraie raison de ma présence à ses côtés.
Son image me fuit, je sens que mon propre esprit me dissimule une part de la vérité. Et Yzalys perturbe encore plus ce travail, en se superposant à ce reflet du passé. Elle ressemble à Lysandre en de nombreux points, et c’est ce qui maintient ma vigilance.
J’ai fini par avouer mon double jeu à Lysandre. Suis-je vraiment un traître comme ils le disent ? je ne crois pas. Les images que je garde d’elle à ce moment sont confuses, brouillées. Je ne voulais pas la tuer, de cela je suis certain. Elle connaissait le risque, a-t-elle voulu m’éprouver ? J’ai constaté que les émotions intenses consomment beaucoup d’énergie, et j’étais sans aucun doute dans un état instable. Un accident. Ou bel et bien la victoire de ma vraie nature.
Ses bijoux sont la clé. C’était là-dessus qu’elle travaillait. C’était cela que l’armée voulait. Est-ce en raison de cette bague qu’ils m’ont traqué, davantage que le meurtre de Lysandre ?
Il va falloir découvrir ce que ces bijoux ont de si particulier.
L’hypnose a fait sauter les verrous. Cette boîte dont parle Yzalys s’entrouvre, mais je me rappelle qu’elle a déjà été ouverte auparavant. Je commence à retrouver spontanément des fragments de ma mémoire, et je pense que cela va s’amplifier.
Ma dernière vision ne devait rien à l’hypnose.
Ce choc de la mémoire qui revient d’un seul coup dans son intégralité, je l’ai vécu. Quelque part dans un laboratoire léphariste.
J’ai effrayé Yzalys cette fois, même si elle possède un sang-froid remarquable.
Cette voix venimeuse et menaçante c’était la mienne. Ces mots « Vous avez réveillé la mort » c’étaient les miens. Cet être furieux et affamé qui a vidé en un instant le léphariste de son essence vitale c’était moi. Je me souviens d’avoir fait un massacre, et je me souviens d’avoir aimé ça.
Comment étais-je arrivé là ? Prisonnier des lépharistes. Ce souvenir est forcément postérieur à ma disparition dans les Abysses. Les Lépharistes viennent d’Asmodea, et leur implantation en Elysea est récente. Et les hommes de ma vision n’étaient pas asmodiens.
Aurais-je passé près d’un siècle dans une cellule de ces fous ? Si c’est le cas c’est un traitement suffisant pour m’avoir plongé dans la folie et mon amnésie ne serait qu’une réaction de défense face au traumatisme. C’est courant chez les daevas.
Ce souvenir a fait réagir mon corps, et je ne sais pas ce qui se serait passé si je n’avais pas été dans l’eau à ce moment là. Rien qu’à coucher ces mots sur le papier je ressens cette chaleur qui me devient familière. Je sais que cela signifie que mon niveau d’énergie baisse. A ce stade c’est supportable, et régresse spontanément si rien ne l’entretient. Mon corps semble capable de réguler le phénomène si je contrôle mes émotions et mon activité physique. Mais si je laisse la soif monter, rien ne me retiendra.
Silencieux comme un chat, il quitta la chambre et s’installa sur le balcon du boudoir voisin, laissant le soleil caresser son torse nu.
Devant lui, son journal de bord attendait.
Nouvelle séance d’hypnose.
Yzalys a utilisé un sortilège d’entravement, mais cette méthode n’est pas suffisante. Je m’en suis libéré assez aisément. La décharge etherée est par contre efficace pour contrer au moins momentanément l’effet de la soif.
Nous avons travaillé sur Soleil Noir. La simple évocation de ce nom m’a rappelé l’emblème qui fut le mien autrefois.
Soleil noir, ma première mission en tant qu’agent d’intervention de Sanctum. Une mission d’infiltration en Asmodea, durant laquelle j’ai recruté mes premiers hommes, ceux qui ont survécu et se sont montrés capables et solides. Je n’ai donné que les grandes lignes de ma vision à Yzalys, et elle ne m’a pas demandé de détails, mais je me souviens de tout.
Comment nous avons capturé trois sentinelles. Comment je les ai torturés l’un après l’autre, jusqu’à ce que le premier meure et que les deux autres craquent. Les asmodiens sont plus endurants et plus résistants mentalement que la plupart des elyos, mais le spectacle de ce corps desséché vivant était plus qu’ils n’en pouvaient supporter.
Et ensuite l’infiltration du fortin, l’exécution de tous ses habitants, serviteurs et enfants compris. Il ne devait rester aucune trace, aucun témoin. Je leur ai juste laissé en signature l’emblème du Soleil Noir, tracé au sang sur un mur, une tactique que nous allions répéter bien des fois au cours des années.
Certains des hommes ont rechigné. J’en ai perdu quelques uns sur place lors de l’assaut. J’en ai abattu un moi-même pour rebellion.
Yzalys n’a pas peur de moi, et pourtant elle devrait. J’étais un tueur, et je le suis encore, même si mes souvenirs me retiennent.
Lysandre. Ces souvenirs-là sont troubles et bien plus dérangeants. Ma conscience les rejette, et à chaque fois cela réveille la soif. La violence, la colère, le désir de tuer.
J’étais bien en mission auprès d’elle. Je devais la surveiller, parce que mes supérieurs n’avaient pas confiance en sa loyauté. Instinctivement je sais qu’ils avaient raison. Lysandre n’aimait pas la guerre, elle ne voulait pas que son œuvre serve à cela.
Je l’ai surveillée, en même temps que le cercle de notables qu’elle rassemblait et nous avons fini par nous rapprocher assez pour devenir amants. Une relation hors normes, faite d’escapades sous les cascades et sur les plages et de soirées mondaines. Elle savait pour mon pouvoir, elle acceptait les contraintes que cela impliquait, et je m’en servais pour lui cacher la vraie raison de ma présence à ses côtés.
Son image me fuit, je sens que mon propre esprit me dissimule une part de la vérité. Et Yzalys perturbe encore plus ce travail, en se superposant à ce reflet du passé. Elle ressemble à Lysandre en de nombreux points, et c’est ce qui maintient ma vigilance.
J’ai fini par avouer mon double jeu à Lysandre. Suis-je vraiment un traître comme ils le disent ? je ne crois pas. Les images que je garde d’elle à ce moment sont confuses, brouillées. Je ne voulais pas la tuer, de cela je suis certain. Elle connaissait le risque, a-t-elle voulu m’éprouver ? J’ai constaté que les émotions intenses consomment beaucoup d’énergie, et j’étais sans aucun doute dans un état instable. Un accident. Ou bel et bien la victoire de ma vraie nature.
Ses bijoux sont la clé. C’était là-dessus qu’elle travaillait. C’était cela que l’armée voulait. Est-ce en raison de cette bague qu’ils m’ont traqué, davantage que le meurtre de Lysandre ?
Il va falloir découvrir ce que ces bijoux ont de si particulier.
L’hypnose a fait sauter les verrous. Cette boîte dont parle Yzalys s’entrouvre, mais je me rappelle qu’elle a déjà été ouverte auparavant. Je commence à retrouver spontanément des fragments de ma mémoire, et je pense que cela va s’amplifier.
Ma dernière vision ne devait rien à l’hypnose.
Ce choc de la mémoire qui revient d’un seul coup dans son intégralité, je l’ai vécu. Quelque part dans un laboratoire léphariste.
J’ai effrayé Yzalys cette fois, même si elle possède un sang-froid remarquable.
Cette voix venimeuse et menaçante c’était la mienne. Ces mots « Vous avez réveillé la mort » c’étaient les miens. Cet être furieux et affamé qui a vidé en un instant le léphariste de son essence vitale c’était moi. Je me souviens d’avoir fait un massacre, et je me souviens d’avoir aimé ça.
Comment étais-je arrivé là ? Prisonnier des lépharistes. Ce souvenir est forcément postérieur à ma disparition dans les Abysses. Les Lépharistes viennent d’Asmodea, et leur implantation en Elysea est récente. Et les hommes de ma vision n’étaient pas asmodiens.
Aurais-je passé près d’un siècle dans une cellule de ces fous ? Si c’est le cas c’est un traitement suffisant pour m’avoir plongé dans la folie et mon amnésie ne serait qu’une réaction de défense face au traumatisme. C’est courant chez les daevas.
Ce souvenir a fait réagir mon corps, et je ne sais pas ce qui se serait passé si je n’avais pas été dans l’eau à ce moment là. Rien qu’à coucher ces mots sur le papier je ressens cette chaleur qui me devient familière. Je sais que cela signifie que mon niveau d’énergie baisse. A ce stade c’est supportable, et régresse spontanément si rien ne l’entretient. Mon corps semble capable de réguler le phénomène si je contrôle mes émotions et mon activité physique. Mais si je laisse la soif monter, rien ne me retiendra.